lundi 13 novembre 2017

Stratégie de contenus : c’est vérifié, le 100% video est un désastre !

La vidéo est l’avenir du web. Vous avez tous entendu cette prophétie. Depuis quelques mois en effet, Facebook incite fortement les éditeurs de contenus à « basculer vers la vidéo ». Certains ont obtempéré… et ont constaté un désastre : l’écroulement de leurs audiences. Pour Facebook en revanche, cette bascule est très profitable. 

Facebook harcèle les éditeurs : faites de la vidéo !

Juin 2016. Un responsable de Facebook annonce que dans 5 ans, le texte aura probablement disparu de Facebook. On ne pourra alors publier qu’en vidéo ! Fracassante, l’annonce a fait l’objet d’innombrables reprises et commentaires. Surtout, elle a alimenté la pression sur les éditeurs de contenus, quels qu’ils soient (médias ou marques devenues des médias) : il FAUT faire de la vidéo.

Cette marotte n’est pas vraiment nouvelle. Par exemple, le succès de YouTube alimente aussi, depuis longtemps, cette obsession : n’est-ce pas la preuve que « les internautes » aiment la vidéo ? Le succès de YouTube est d’ailleurs tel, qu’il y a maintenant un mot pour les vidéastes : les « YouTubeurs ». Un focus médiatique sur quelques-uns, rares, qui a emballé – et embrouillé – les esprits.

Autre argument pro-vidéo : l’augmentation très forte du nombre de vues et du temps passé à consulter des vidéos. Statistique invérifiable pour ce qui nous concerne, mais il est déjà arrivé que Facebook veuille se faire plus gros que le bœuf. Ainsi, en septembre 2016, la plateforme a reconnu que le temps moyen de visionnage des vidéos publiées dans son player a été surestimé de 60 à 80 % !

Par ailleurs, Facebook (comme d’autres) comptabilisait une « vue » au bout de trois secondes seulement de visionnage. Une comptabilité malhonnête dans la mesure où les vidéos publiées dans son player sont lancées automatiquement lorsqu’elles apparaissent sur nos flux d’actualités.

Pourquoi la vidéo intéresse tant Facebook (et les médias)

Facebook est une entreprise cotée en bourse, dont les actionnaires réclament des profits toujours croissants. C’est la loi impitoyable du marché capitaliste. Pour remplir ses objectifs, Facebook vend des espaces de publicités aux « annonceurs », des entreprises désireuses de promouvoir un produit ou un service. La publicité est en effet la source largement majoritaire des revenus du réseau social de Mark Zuckerberg.

Ces espaces de publicités sont vendus aux plus offrants. Concrètement, c’est une vente aux enchères que propose Facebook aux annonceurs : plus ceux-ci proposent une enchère élevée, plus ils sont certains de remporter la mise, c’est-à-dire l’affichage de leur publicité aux meilleurs endroits et au meilleurs moments. Et pour retenir l’attention des internautes, pour beaucoup d’annonceurs, c’est la vidéo qui l’emporte.

Ce format aurait en effet le grand intérêt d’être plus accrocheur qu’une annonce texte. Autrement dit, les annonceurs maximiseraient la visibilité de leur message publicitaire grâce à la vidéo. Dans une guerre de l’attention de tous les instants, c’est un argument non négligeable. Et en bout de chaîne, ce sont des investissements publicitaires conséquents qui sont redirigés vers le format vidéo : on parle de 10 milliards de dollars. Pour les médias se finançant avec la publicité, c’était une opportunité en or.

Pour faire du 100 % vidéo, les médias licencient leurs rédacteurs

Certains titres de presse ont alors sauté le pas. Et pas de demi-mesure s’il vous plaît : il s’agissait alors de passer au 100 % vidéo ! Ainsi, des médias comme Vice, MTV news, Fox sports ou encore Mashable ont licencié leurs rédacteurs pour n’employer que des vidéastes.

Résultat : des sites qui ne proposent effectivement que de la vidéo… et qui devraient donc être très rentables en aspirant d’importants investissements publicitaires ! Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Un annonceur investit d’abord sur une audience avant de penser au format. Or, l’audience des sites ayant basculé vers le 100 % vidéo s’est effondrée.

Résultat du 100 % vidéo : un désastre

Une image étant plus éloquente que 1 000 mots, laissons le graphique suivant parler de lui-même. Il montre l’évolution de l’audience des titres de presse ayant adopté le 100 % vidéo :

 

L’incroyable pied de nez des sites 100 % texte

Ironie du sort, peu après cette fameuse bascule vers le 100 % vidéo, certains sites de presse ont décidé au contraire de passer au 100 % texte. Une décision qui a été prise pour des motivations autres que publicitaires. Il s’agissait plutôt de donner accès aux informations à des publics se trouvant dans des zones subissant des catastrophes climatiques, donc avec de mauvaises connexions. Les pages web comprenant des formats comme de la vidéo sont en effet bien plus lourdes, donc lentes à charger, que des pages avec du texte seulement.

Autre motivation : aider les personnes qui ont des déficiences visuelles à lire plus facilement les sites internet, sans être parasitées par des éléments perturbateurs pour la lecture. Autrement dit, rendre son site accessible, au sens numérique du terme.

Résultat de ce mouvement vers le 100 % texte : un plébiscite de la part des lecteurs. Un résultat qui n’est pas une réelle surprise ! Malgré les appels répétés de quelques gourous à passer à la vidéo, le texte reste en réalité très apprécié par les internautes.

Une leçon pour tous les éditeurs tentés par les oracles de Facebook !



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